On connait le principe du double-flux : un générateur de gaz entraîne un fan dont une partie de l’air l’alimente tandis que l’éjection de l’autre partie donne de la poussée. Le rapport entre les flux est le taux de dilution. Tous les moteurs modernes utilisent ce principe, le CFM-56 comme le GE-90.
Joseph Szydlowski commença à travailler sur ce concept en 1948 en utilisant sa turbine TT782 composée d’un centrifuge et de deux turbines. En entraînant un fan avec la TT782 et en n’employant qu’une partie du débit du fan pour l’alimenter, on obtenait un double-flux. Szydlowski choisit un fan à 8000 tr/min. La TT782 tournant à 34 000 tr/min, un réducteur fut installé entre les deux. La TT782 étant régulée à vitesse constante, des volets variables furent placés devant le fan pour réguler la poussée. Le moteur résultant de toutes ces innovations, le TD100-189 ou Double-flux 140 CV, fit son premier essai le 15 octobre 1949. Au cours d’une campagne de 80 heures d’essais qui se termina le 5 novembre 1949, il démontra 110 kg de poussée.
Sur la base de ce démonstrateur, Turbomeca réalisa un moteur de vol, l’Aspin I avec un générateur Artouste I qui avait fait sa première rotation en avril 1950. Avec un taux de dilution de 3,3 l’Aspin I poussait 220 kg. Monté sur le Castel-Mauboussin Gémeaux IV, il effectua son premier vol à Aire-sur-Adour le 6 novembre 1951 devenant le premier double-flux au monde à voler. Il subit par ailleurs avec succès un essai de type 150 h et un essai d’endurance de 1000 h. Suivit en 1952 un Aspin II de 330 kg de poussée sur la base d’un générateur Artouste II, avec un taux de dilution de 4,98. Il fit son premier vol le 21 juin 1952 sur le Gémeaux V, désignation du Gémeaux IV remotorisé.
Le début des années 1950 vit le développement de nombreuses formules d’hélicoptère. Parmi celles-ci, une idée séduisante par sa simplicité apparente était l’hélicoptère à réaction. Dans ce concept, de l’air éjecté à l’extrémité des pales du rotor provoque la rotation de celui-ci, sans nécessiter d’anti-couplage. En 1949 René Dorand avait fondé la Société Giravions Dorand pour promouvoir ce concept. En 1951 il lança la réalisation d’un prototype dénommé DH 011 utilisant un Aspin I dont le débit d’éjection était transmis aux pales pour faire tourner le rotor. Des essais au sol furent réalisés à Issy-les-Moulineaux en 1953, mais aucun vol n’eut lieu et la formule abandonnée.
En parallèle, la société Giravia de MM. Pouit et Lepère, travaillait sur un concept similaire, mais utilisant deux circuits différents pour les flux primaire et secondaire afin que le flux chaud circule dans les pales entouré du flux froid. Après avoir imaginé l’utilisation d’un générateur Orédon, on passa à l’Artouste. Ainsi naquit l’Aspin III doté de deux étages de fan et donnant une poussée totale de 165 kg répartie en un flux chaud de 2,8 kg/s et un flux froid de 2,1 kg/s. Le moteur tourna le 18 janvier 1952 et les essais de l’hélicoptère, baptisé LP.10, démarrèrent le 14 avril 1954 à la SNCASO. Ils furent interrompus lors du cinquième essai le 15 juillet suite à une déformation sévère des pales. Les essais reprirent le 30 juillet et durèrent jusqu’en octobre 1954 avant que la formule soit abandonnée en raison des températures décidément trop élevées dans les pales.
En 1951 fut dessiné un générateur plus puissant pour un Aspin IV.
Ce générateur, qui ne fut pas réalisé, était basé sur un compresseur bi-centrifuge, formule que l’on ne retrouvera que bien plus tard sur le MTR 390. A la même époque furent étudiés un double-flux de 1500 kg de poussée pour l’avion de transport SNCASE SE 161 Languedoc et, employant le même générateur de gaz, un moteur de 1600 kg de poussée à 15 000 m d’altitude et Mach 1,3. Dans ce dernier cas, il était prévu une combustion dans le flux secondaire.
Finalement la formule connut le succès dix ans plus tard sous la forme du double-flux Aubisque, basé sur le générateur Artouste III, qui fut construit en série pour l’avion d’entrainement suédois Saab 105. Mais ceci est une autre histoire