Association des Amis du Patrimoine Historique Turbomeca
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Les grandes étapes technologiques et humaines

 

2008 - 2017

Kamov Ka-62 ou le triomphe de la patience!

Le 28 avril 2016 à Arseniev en Russie l’hélicoptère Kamov Ka-62 équipé de deux moteurs Ardiden 3G a effectué son premier vol. Cette étape essentielle marque la fin d’une longue, d’une très longue attente. C’est en effet en 1989, que cette affaire a démarré pour Turbomeca.

Au départ, un hélicoptère léger qui grossit

 

L’histoire du Kamov Ka-62 débute à la fin des années 1970. A cette époque, les armées soviétiques emploient quasi exclusivement des hélicoptères de plus de 10 tonnes au décollage : Mi-6, Mi-8, Mi-24. Il existe bien le Mi-2, un petit bimoteur, mais il est impropre au combat, juste utilisable pour les liaisons et le petit transport. En Occident, par contre, existent des appareils de combat légers : Gazelle, Bo-105, OH-58 ou OH-6 capables d’agir en coopération avec des hélicoptères plus lourds. En juillet 1981 les autorités soviétiques demandent aux bureaux d’études Mil et Kamov de faire des propositions d’appareils légers devant agir en coopération avec les appareils de combat lourds en préparation Mil Mi-28 ou Kamov Ka-50. Il est souhaité une masse maximale au décollage de 2500 kg. Mil propose le Mi-36 équipé de deux moteurs OMKB TV-O-100 de 650 ch alors en développement. Mais le bureau d’études estime qu’il est impossible de remplir les missions demandées si la masse au décollage est inférieure à 3400 kg. Occupée par d’autres développements, l’équipe Mil ne pousse pas plus avant les travaux. D’autant plus que Kamov propose un appareil monomoteur birotor contrarotatif de 2200 kg qui prétend répondre aux spécifications : le V-60 (Dans le système de désignation soviétique, V désigne les appareils en projet ; il devient Mi ou Ka quand l’appareil est construit : le V-60 deviendra ainsi le Ka-60). Mais, petit à petit, ce projet va être totalement transformé. En effet, sa masse au décollage passe à 6000 kg et le birotor contrarotatif monomoteur devient rotor simple avec fenestron arrière et deux moteurs NPO-Saturn RD-600 (également dénommés TVD-1500) de 1300 ch ! Ceci pour répondre à l’ensemble des exigences et particulièrement à celle de vitesse.

L’ouverture à l’Ouest

 

En parallèle de cette évolution technique, le contexte soviétique va radicalement évoluer, perturbant gravement le déroulement du programme. Le 11 mars 1985 Mikhaïl Gorbatchev accède au poste de secrétaire général du PCUS. Il déclenche ce qui va rester dans l’histoire sous les noms de « glasnost » (transparence) et « perestroïka » (restructuration). L’objectif est de moderniser le pays tout en préservant le monopole politique du PCUS. On sait comment cette tentative se terminera : par l’éclatement de l’URSS en 1991 et la reconstruction de la Russie sous l’égide de Boris Eltsine puis de Vladimir Poutine. Cette période troublée va influer doublement sur le programme Ka-60. Tout d’abord, elle est source de graves problèmes de financement, retardant en permanence le processus de développement. Ensuite, elle permet une ouverture à l’Ouest pour y chercher les équipements modernes qui manquent à l’industrie locale et tenter de capter une partie du marché occidental, ce dernier point supposant une mise à niveau du point de vue certification.

En mai 1988, au Salon de Hanovre, une délégation soviétique rencontre une délégation allemande. En août suivant, une nouvelle rencontre se tient à Moscou. Les deux pays décident d’explorer une possible coopération dans le domaine aéronautique. L’industrie française s’insurge, se pensant mieux placée sur le plan technique. Peut-être, sauf que sur le plan politique, c’est l’inverse. Depuis le départ du général De Gaulle, les relations franco-soviétiques se sont refroidies, au contraire des relations germano-soviétiques. De ce fait, le gouvernement français n’est pas enclin à coopérer avec les Soviétiques. Les Anglais ont moins de scrupules et Rolls-Royce est immédiatement intéressée à cette ouverture à l’Est. En 1989, la firme britannique entame des discussions avec les Avionneurs soviétiques. Les discussions se concentrent petit à petit autour de trois sujets : la motorisation de l’avion de transport commercial Tupolev Tu-204 avec des moteurs RB-211, un moteur anglo-russe pour motoriser un projet de business jet supersonique et la motorisation de la version civile du Ka-60, dénommée Ka-62, avec des RTM 322.

Le RTM 322 sur le Kamov Ka-62

 

Compte tenu des réticences françaises, c’est Rolls Royce qui est à la manœuvre et non RRTM. Turbomeca apporte cependant son soutien technique à Rolls-Royce : en mars 1990, une mission TM/RR rencontre Kamov à Moscou pour discuter les détails techniques de l’installation du RTM 322 sur le Ka-62. La question de la disponibilité d’une maquette moteur pour Kamov est posée. A la fin du même mois, une mission marketing Turbomeca rencontre les avionneurs et motoristes russes à l’occasion du Salon Aeroengine 90 à Moscou. Kamov, qui a lancé début 1990 la construction d’un prototype de Ka-60, annonce un premier vol en 1991 pour un début de production en 1994. Fin avril débutent les discussions commerciales entre Rolls-Royce et Kamov. L’objectif est la signature d’un agrément lors du Salon de Farnborough en septembre. Le 19 juin 1990 une délégation soviétique, comprenant en particulier Serguei Mikheev, le General Designer de Kamov, visite Bordes. Les discussions entre Kamov et Rolls Royce se poursuivent et un calendrier est établi qui prévoit un premier vol du Ka-62R, dénomination du Ka-62 avec RTM 322, fin 1993 (un an après le premier vol du Ka-62 à moteurs RD-600) et une certification civile en juin 1995. Une brochure commerciale commune Kamov/Rolls Royce est lancée pour le Salon de Farnborough. La version du RTM 322 destinée à cet hélicoptère est dénommée RTM 322-01/14 et un Manuel d’Installation est élaboré. En septembre 1990, au Salon de Farnborough, Rolls Royce et Kamov signent un MOU (Memorandum Of Understanding) pour l’installation du RTM 322 sur le Ka-62R. Au titre de cet agrément, cinq moteurs de développement doivent être livrés en 1993.

Fin septembre 1990 se tient une nouvelle réunion technique à Moscou. Elle va mettre en évidence les deux problèmes sur lesquels va buter l’affaire : la disponibilité d’une maquette moteur et la certification. Le problème de la maquette tient au fait que toutes les maquettes sont engagées sur le programme NH90, alors en phase de définition, et que l’on est seulement au stade d’un MOU avec Kamov, pas d’un contrat, réfrénant les dépenses. Quant à la certification, en l’absence d’accord entre les autorités de navigabilité soviétique, française et britannique, les choses sont très compliquées, les exigences réglementaires étant très différentes entre l’Est et l’Ouest. Par ailleurs, les autorités françaises exigent que la certification de l’hélicoptère et l’assemblage final des hélicoptères de série soient faits en Europe de l’Ouest, les soviétiques exigeant évidemment de le faire chez eux ! A partir de là, l’affaire va mal tourner. D’une part, l’éclatement de l’URSS fait que les interlocuteurs soviétiques puis russes vont avoir d’autres priorités que le développement compliqué d’un programme avec l’Ouest, et d’autre part, les réticences gouvernementales occidentales vont se trouver renforcées par cette situation. Des contacts vont continuer épisodiquement en 1991 et 1992, mais le programme va s’arrêter de lui-même. Aucune maquette n’a jamais été envoyée à Kamov.

Le difficile accouchement du Ka-60

L’éclatement de l’URSS en 1991 et la décision du gouvernement de Boris Eltsine de remplacer l’économie planifiée par une économie de marché, va bouleverser le pays et lancer une difficile période de transition dont la Russie n’est d’ailleurs pas encore sortie. L’industrie aéronautique, alors partie intégrante d’un complexe militaro-industriel colossal, est aux premières loges de cette transformation radicale. Le programme Ka-60/62 subit de plein fouet les aléas de la période. Tout d’abord, le premier vol du prototype est reculé en permanence du fait des problèmes de financement. Problèmes qui génèrent également un exode des cerveaux vers d’autres domaines économiques plus prometteurs. Initialement prévu en 1991, le premier vol glisse d’une année tous les ans. Il aura lieu finalement le 10 décembre 1998. Devant les difficultés de certification exposées précédemment, Kamov va, durant les années 1990, se tourner vers les Américains. C’est ainsi que des versions du Ka-62 à moteurs General Electric CT7-2D ou LHTEC CTS-800 sont annoncées. De même, pour financer le développement, des discussions avec les Israéliens d’IAI et Agusta sont entamées. On parle alors d’un Ka-64 à rotor arrière conventionnel. Rien de tout cela ne se matérialisera. A noter qu’à partir de 1994, le Ka-62 se voit doté d’un rotor à cinq pales, le Ka-60 conservant le rotor initial quadripale. En 2001, un deuxième prototype de Ka-60 fait ses premiers vols. Pendant toutes ces années difficiles pour l’économie russe, Turbomeca continue le dialogue avec Kamov. Mais sur un autre programme, le Ka-226. L’hélicoptériste russe est en effet intéressé par l’Arrius et l’Arriel pour ce petit bimoteur contrarotatif. Le contrat de motorisation du Ka-226 avec l’Arrius 2G est signé le 26 mars 2003. Plus tard, l’Arrius 2G sera remplacé par l’Arrius 2G2 plus puissant.

L’heure de l’Ardiden 3

 

2001 est l’année au cours de laquelle l’affaire Ka-62 se réactive pour Turbomeca. Cette année là, Turbomeca lance le développement de l’Ardiden 1, premier membre de la nouvelle famille Ardiden, pour l’hélicoptère Dhruv de HAL. Or ce nouveau moteur est bien adapté à la taille du Ka-62. Il attire l’attention du motoriste russe NPO-Saturn qui développe le RD-600 qui équipe les deux Ka-60 prototypes.

En avril 2002, un agrément est signé entre Turbomeca et NPO-Saturn pour coopérer autour des deux moteurs en vue de la motorisation du Ka-62. Mais les difficultés du motoriste russe, dans un contexte de restructuration complète de l’industrie aéronautique russe, ne permettent pas la poursuite de l’affaire. Le réveil n’a été que temporaire. Il faut attendre 2005 et le Salon Aero-India en février à Bangalore pour que le dossier soit réouvert à l’initiative de Kamov qui demande alors à Turbomeca une offre de motorisation du Ka-62 à base d’Ardiden 1. Les discussions techniques qui s’engagent mettent en évidence un gros problème d’installation : le moteur doit avoir une prise de mouvement 6000 tr/mn en position haute, alors que l’Ardiden 1 l’a en position basse. Il faut redessiner un réducteur. L’idée est alors émise d’un moteur Ardiden à prise directe 21 000 tr/mn, Kamov se chargeant d’un boîtier d’adaptation. Cet Ardiden 1 à prise directe est appelé Ardiden 2. Durant l’été 2005, les premières performances de l’Ardiden 3, dont le lancement interviendra en 2007, sont présentées à Kamov. Début 2006, à l’occasion d’une visite dans le cadre du programme Ka-226, Kamov recentre la discussion autour de l’Ardiden 1/2, mais continue malgré tout l’évaluation de l’Ardiden 3. En avril 2006 le motoriste russe Klimov se déclare intéressé à travailler avec Turbomeca. Une discussion au Salon de Farnborough en juillet amène à la conclusion que le projet Ka-62/Ardiden est le mieux placé pour une telle coopération. En juin 2006, Kamov informe Turbomeca que le Ka-62 fera partie de la future gamme de Russian Helicopters, la société unique qui va regrouper toute l’industrie de l’hélicoptère russe et qui verra le jour l’année suivante. En décembre 2006, Kamov annonce orienter son choix sur l’Ardiden 3 et le motoriste russe Klimov envoie un courrier officiel à Bordes pour manifester son intérêt à une collaboration avec Turbomeca autour de la motorisation du Ka-62. Pour Turbomeca, une telle collaboration est à discuter sérieusement car elle peut faciliter l’acceptation de l’Ardiden pour les hélicoptères Ka-62 destinés au marché intérieur russe.

La longue marche vers le contrat

 

2007 voit donc une double discussion, avec Kamov et Klimov, s’engager autour de l’Ardiden 3 qui, rappelons-le, est équipé d’une prise de mouvement directe 21 000 tr/mn.

Kamov confirme en février que le programme civil Ka-62 a été retenu par l’Etat russe, ce qui en assure le financement, et que l’Ardiden 3 est le seul moteur retenu pour cet appareil. La version militaire Ka-60 reste motorisée par le RD-600. Surgit alors un problème de délai : Turbomeca annonce des moteurs de vol en février 2011 (l’Ardiden 3 fera sa première rotation en moteur complet le 29 juillet 2010) alors que Kamov voudrait voler fin 2008. Kamov propose une solution transitoire avec un Ardiden 1, solution abandonnée en juin suivant. Par ailleurs, la demande d’une prise de mouvement haute 6000 tr/mn demeure pour maintenir la communalité avec le RD-600. Le 28 mars 2007 est signé le NDA (Non Disclosure Agreement) entre Turbomeca et Kamov pour couvrir les discussions autour de l’Ardiden 3G, dénomination retenue pour le moteur Ardiden 3 du Ka-62 ; il est suivi par la signature d’un MOU le 24 mai 2007.

Avec Klimov, les discussions autour d’une coopération s’orientent vers une participation du motoriste russe au programme Ardiden 3G à hauteur de 15 %, correspondant au développement et à la production de l’ensemble réducteur/boîte accessoires spécifique à l’application Ka-62. Un NDA est signé le 23 mai 2007, suivi d’un MOU signé au Salon du Bourget le 20 juin 2007.

Le programme se précise : un nouveau prototype Ka-60 à base de RD-600, appelé PT1, doit voler en mars 2009, suivi du PT2 Ka-62/Ardiden 3G en juillet 2010, Turbomeca ayant réduit ses délais. La certification du Ka-62 est visée début 2012. Le 10 janvier 2008 est éditée la première version de la STB (Spécification Technique de Besoin) du moteur Ardiden 3G suivie le lendemain du lancement de la phase avant-projet du programme. Les discussions sur la forme de la coopération avec Klimov continuent et en juin, une réunion tripartite à Saint-Pétersbourg entre les deux motoristes et Kamov examine les propositions de nouveau réducteur. Kamov souhaite maintenant des moteurs de vol fin 2010, Turbomeca et Klimov les proposant mi 2011. L’inexorable glissement des délais commence…D’autant plus qu’en octobre tout est gelé : Russian Helicopters décide de réexaminer l’ensemble du programme et en particulier sa motorisation !

Il faut attendre le Salon MAKS à Moscou en août 2009 pour voir le programme se réveiller à nouveau. Kamov annonce d’une part l’intérêt du Ministère de la Défense russe pour l’appareil, y compris avec le moteur Turbomeca, et d’autre part sa décision de regarder une modification de la BTP (Boîte de Transmission Principale) de l’hélicoptère pour permettre l’installation de l’Ardiden 3 en prise directe. L’affaire est relancée sur de nouvelles bases. Mais celles-ci entraînent le désintérêt de Klimov pour ce programme, l’Ardiden 3 n’ayant plus à être modifié profondément pour s’installer sur le Ka-62. Kamov est conforté dans ce choix en septembre, car Turbomeca annonce des moteurs de vol à prise directe 15 mois avant ceux à réducteur. Kamov va alors contracter avec une société autrichienne, Zoerkler, pour le développement de la nouvelle BTP. Les discussions contractuelles détaillées commencent également avec Turbomeca. Elles aboutissent le 26 avril 2011 à la signature du contrat de motorisation du Ka-62 avec l’Ardiden 3G. Le contrat prévoit des moteurs de vol en janvier 2013, une certification moteur en juin 2014 et une certification hélicoptère en novembre 2014.

L’attente du premier vol

 

Jusqu’à fin 2012, le calendrier officiel de Kamov ne bouge pas. On est toujours sur un premier vol en 2013. Mais, alors que Turbomeca prépare les moteurs de vol, on sent bien que quelque chose ne tourne pas rond. Entre problèmes budgétaires et techniques, en particulier avec la BTP autrichienne, Kamov prend du retard. En octobre 2013, un retard d’un an est entériné : le premier vol est repoussé en août 2014. Ce n’est qu’un début : il faut attendre août 2015 pour que les premiers essais de l’Iron Bird (le banc sol) débutent. Finalement, le 28 avril 2016, avec trois ans de retard par rapport au contrat de 2011, le prototype du Ka-62 fait son premier vol à Arséniev. Une très longue attente, commencée 27 ans plus tôt, se termine.

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