Association des Amis du Patrimoine Historique Turbomeca
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Les grandes étapes technologiques et humaines

 

1958 - 1967

La Saga du Bastan (Episode 1)

Il fait partie de ces moteurs Turbomeca qui eurent une carrière limitée. Pourtant, il fut le premier turbopropulseur français homologué. Développé pour des programmes d’avions militaires d’appui-feu qui furent annulés avant qu’il ne soit au point, il réussit malgré tout à trouver deux applications dans le domaine du transport. Une application française avec le Nord 262 et une application export, avec le Guarani argentin. Au-delà de ces applications turbopropulseur, le Bastan connut une application turbomoteur expérimentale sur le H-34 de Sud-Aviation et une belle carrière dans le domaine industriel.  Voici donc le premier épisode de la saga du Bastan.

Pour les adhérents, la suite est disponible dans le Diffuseur #11.

Les programmes d’avions d’appui-feu

 

A la fin de la seconde guerre mondiale, la France possède encore un empire colonial conséquent, en Indochine et en Afrique. L’Indochine connait très vite des mouvements de libération qui entraînent l’armée dans une guerre de type nouveau, la guérilla. Au moment où le conflit indochinois se termine, un autre s’allume en Algérie. Il ne s’éteindra qu’en 1962, 17 ans après la fin de la deuxième guerre mondiale. 17 années pendant lesquelles l’armée française doit combattre un ennemi radicalement différent de celui vaincu en 1945. Dans ces conflits coloniaux, l’aviation joue un rôle crucial. Mais il faut des avions adaptés. Si dans un premier temps, on fait avec le matériel disponible, l’état-major réfléchit à des avions spécifiques. Dès le début des années cinquante, des constructeurs font des propositions : Potez avec son modèle 75, Morane-Saulnier avec ses MS 810 et MS 775 ce dernier devenant plus tard MS 1500 Epervier, SNCASO qui propose le SO 7100 Dogue et Dassault le MS 315B Flamant Rose. Tous ces projets sont dotés de moteurs à pistons, hormis ceux de Morane-Saulnier qui utilisent le Marcadau de Turbomeca, version turbopropulseur de l’Artouste II.

En octobre 1955 est diffusée une fiche-programme officielle pour un bimoteur d’appui et de recherche capable de différents armements et d’une autonomie de 5 heures à basse altitude. L’équipage doit se composer de trois hommes. Six constructeurs soumettent des propositions le 12 décembre 1955 : SNCASE, SIPA, SNCAN, Latécoère, Potez et Fouga. Deux sont retenus en mars 1956 : le SIPA 1100 et le SNCASE SE-116 Fonceur, rebaptisé ensuite Voltigeur. Les deux appareils sont complémentaires car le SIPA est plus simple et utilise des moteurs à pistons Pratt & Whitney R-1340 de 610 ch. Il est disponible rapidement. Si le SE-116 est proposé aussi avec des moteurs à pistons Wright de 800 ch, c’est uniquement pour attendre la disponibilité d’un nouveau moteur Turbomeca, le Bastan.

Naissance du Bastan

 

En 1954 Turbomeca reçoit un marché d’Etat pour l’étude d’un turbopropulseur de 600 ch au décollage. Un an auparavant, le 28 mars 1953, l’Artouste II avait fait sa première rotation. Moteur de 480 ch, il sera le moteur des premières Alouette II. A la même époque, Turbomeca avait lancé un programme de recherche pour développer un compresseur axial destiné à suralimenter le compresseur centrifuge, permettant ainsi d’augmenter significativement la puissance des turbines. Adapté à l’Artouste II, ce type de compresseur va donner naissance à l’Artouste III de 600 ch qui tourne en 1955.

C’est donc tout naturellement que le premier projet de « Turbo-Propulseur 600 cv » reprend l’étude de l’Artouste III pour le transformer en turbopropulseur. De la même manière, quelques années auparavant, l’Artouste II avait été transformé en Marcadau, le premier turbopropulseur Turbomeca. Ce « Turbo-Propulseur 600 cv » est donc un Artouste III dans lequel le réducteur est remplacé par un réducteur coaxial (épicycloïdal) directement équipé d’un arbre porte-hélice tournant à 1840 tr/mn. L’hélice prévue est une tripale Ratier à régulation hydraulique, le fluide de régulation étant la même huile que celle servant au graissage du moteur. La puissance de décollage est de 600 ch et celle dite « maxi continu » de 500 ch.Evidemment, les exigences en puissance augmentent et cet avant-projet est abandonné au profit d’un autre, plus gros, proposé en octobre 1955 et appelé Bastan. S’il reprend l’architecture générale de son prédécesseur (un compresseur axial suivi d’un centrifuge, une chambre à injection centrifuge, trois turbines et un réducteur coaxial), ce Bastan développe 750 ch au régime de décollage et 600 ch au maxi continu. La puissance mécanique est limitée à 650 ch et l’hélice tourne toujours à 1840 tr/mn.

Sur cette base, les études détaillées démarrent et le dossier d’études complet est présenté en janvier 1957. Le point de dimensionnement : vitesse de 33 000 tr/mn, débit d’air de 4,17 kg/s, rapport de pression de 5,2 et température entrée turbine de 1100°K, soit 827°C. Ce qui donne une puissance sur arbre de 750 ch. La poussée résiduelle correspond à 67 ch supplémentaires. La puissance totale équivalente est alors de 817 ch. Le compresseur axial est celui du Turmo III (11 pales en titane), le centrifuge celui du Palas (16 pales, aluminium AU4N). Les trois turbines sont une mise à l’échelle des turbines Artouste III. Le premier étage est monobloc en Nimonic 90 et comporte 25 pales. Le deuxième étage, également monobloc Nimonic 90, comporte 23 pales. Compte tenu des difficultés d’usinage d’alors, le troisième étage est à pales rapportées. Il comportedes brochages à cinq dents type Gabizo. La turbine comporte un disque en ATG7 et 29 pales en ATVS7. Le réducteur épicycloïdal ramène la vitesse du générateur de 33 000 tr/mn à 1790 tr/mn au niveau de l’hélice. Calculé pour 750 ch, il est cependant limité dans un premier temps à 650 ch qui est la puissance contractuelle initiale.

En 1956, un premier marché de 15 moteurs de développement et de démonstration est notifié par l’Etat. Contractuellement, le moteur doit fournir 650 ch sur l’arbre jusqu’à 25°C. Ce programme revêt une importance extrême pour les militaires français. En février 1956, le colonel Moguez, en charge des relations extérieures de

Turbomeca, rencontre le Bureau des Programmes de Matériel de l’état-major de l’Air. L’objet du rendez-vous, le Bastan, pour lequel l’état-major s’inquiète. Tous les efforts sont demandés à Turbomeca pour hâter ce programme et coller avec le programme avion. Celui-ci prévoit une entrée en service fin 1959, or la série du Bastan est annoncée pour 1961. Il est clairement signifié que le programme est accroché au Bastan, choisi par l’état-major pour sa légèreté, et que la définition de l’avion dépend du moteur. Le programme avion « tombe » si le Bastan ne peut sortir aux dates conformes. Même discours un mois plus tard à l’Inspection Générale des Fabrications et Programmes des Forces Armées.

Fin juillet 1957, le Bastan n°1 est mis au banc frein pour ses premières rotations sans hélice. Le 2 août, le premier démarrage est effectué. Mais le niveau vibratoire est trop élevé et l’essai est interrompu. Retour au banc le 27 août et cette fois, une heure de rodage est effectuée ainsi que quelques points de performances. Il termine son essai au banc frein le 29 août et passe ensuite au banc hélice. Les premiers essais avec hélice ont lieu le 3 septembre.

Le moteur reste au banc jusqu’au 6 septembre où sa réception officielle est réalisée. Le démontage du moteur, le lendemain, démontre un état satisfaisant de la machine après 9 h 37 mn de fonctionnement.

Le Bastan peut commencer sa carrière.

Pendant ce temps, l’Artouste III turbopropulseur

 

Nous avons vu que le premier projet de turbopropulseur 600 ch était un Artouste III avec réducteur coaxial. Il fut abandonné pour une machine plus grosse qui prit le nom de Bastan. Cependant, pour déverminer le concept et mettre au point les hélices, il fut décidé de réaliser une telle machine qui sera connue sous le nom d’Artouste III TP. Pour ne pas handicaper encore Turbomeca, qui avait alors une charge de travail énorme, le travail est confié à la CGTM nouvellement créée. La CGTM avait été fondée le 25 janvier 1956 avec l’ambition de rassembler, à terme, Turbomeca et Hispano-Suiza en un seul motoriste. A l’époque, CGTM dispose d’un bureau d’études à Levallois-Perret, chez Hispano, et d’un centre d’essais en vol à Marignane. C’est donc le bureau d’études CGTM qui dessine le réducteur coaxial et son adaptation à l’Artouste III. Les générateurs sont évidemment fournis par Turbomeca. Les essais de ce turbopropulseur et de ses hélices sont prévus au banc chez Hispano et en vol. Pour réaliser les essais en vol, Dassault et la CGTM vont transformer le Languedoc MB-161 n°81 en banc d’essais volant, le moteur étant installé au-dessus du fuselage, sur un bâti portant une portion d’aile sur laquelle est implanté le moteur avec son hélice...

La mise au point du Bastan

 

Après le Bastan n°1, quatre autres moteurs font leur première rotation en 1957 : le n°2 le 1er octobre, le n°3 le 30 octobre, le n°4 le 14 novembre et le n°5 en décembre. Début décembre, les quatre premiers moteurs ont effectué 10 essais et accumulé 102 h 03 mn de fonctionnement. Trois hélices Ratier-Figeac FH 26 ont été utilisées qui ont accumulé 61 h 27 mn de fonctionnement. Le moteur n°1 a effectué un essai d’endurance « bon de vol » de 20 heures, sur le modèle de celui réalisé par l’Artouste III TP n°04, puis deux tentatives d’essai de 150 heures « type américain » comme on disait à l’époque.

Mais les moteurs ont surtout accumulé les problèmes techniques. Le plus important concerne les pales de turbine troisième étage. A l’issue de son premier essai de 9 heures de fonctionnement, le moteur n°2 présente trois pales criquées en vibrations. De telles criques sont repérées sur le moteur N°1 durant sa première tentative d’essai de 150 heures, obligeant à interrompre l’essai après quatre heures d’endurance. Une première solution, classique, est appliquée pour poursuivre les essais : une troncature de 4 mm au bord de fuite de la pale pour déplacer les fréquences. Mais cette troncature a des effets très négatifs sur les performances du moteur, qui, déjà, ne sont pas au rendez-vous.

C’est là le second des gros problèmes découverts à l’issue des premiers essais.Sans la troncature, les moteurs présentent un déficit de 80 ch par rapport au point de dimensionnement de 750 ch à 33 000 tr/mn. Un déficit de 10,7 % dû principalement au compresseur. La troncature entraine une perte supplémentaire de 35 ch, amenant le déficit à plus de 15 %. Pour rétablir les 650 ch contractuels à 25°C, il faut tourner à 33 500 tr/mn et augmenter la température devant turbines de 13°C.

L’année 1958 est consacrée à la résolution des problèmes. La partie compresseur est modifiée par action sur le carter d’entrée d’air et le compresseur axial pour améliorer l’écoulement en amont du compresseur, tandis que les plus grosses modifications concernent les turbines. Car la turbine troisième étage n’est pas la seule à rencontrer des soucis. Des ruptures de pale sont observées sur le premier étage également. Décision est prise de refondre quasi totalement la partie turbines : le premier étage voit son nombre de pales augmenter de 25 à 29, le nombre de pales du second étage est augmenté de 23 à 25, tandis que le troisième étage passe de 29 à 23 pales, cette fois taillées dans la masse, le matériau restant l’ATVS7. Cette nouvelle partie turbines est introduite sur les moteurs à partir du moteur n°16, une nouvelle commande de 25 moteurs divisée en deux lots (15 et 10 moteurs) ayant été passée entretemps. Les 15 premiers moteurs sont rétrofittés progressivement à ce nouveau standard. L’évolution est suffisamment importante pour justifier une nouvelle désignation du moteur qui devient Bastan II, le standard initial prenant rétroactivement la désignation de Bastan I. Fin septembre 1958, 12 moteurs ont été produits, 793 heures de fonctionnement ont été accumulées et trois essais de 150 heures ont été réalisés, l’un d’entre eux à la puissance de 800 ch. Malheureusement, l’essai de 150 heures d’homologation a montré des détérioration de roulements qui ne sont pas acceptées par le STAé. Un essai dit « de pénalisation » de 150 heures, doit être réalisé sur le même moteur, après remplacement des roulements incriminés, pour entériner définitivement le standard d’homologation. Fin 1958, tous les essais sont terminés et le STAé, par lettre 30251 du 9 janvier 1959, prononce l’homologation du Bastan II. C’est la première fois qu’un turbopropulseur français est homologué. La fiche caractéristique porte le numéro 24 et donne les performances suivantes : Décollage à 33 000 tr/mn, puissance sur arbre de 750 ch, T4 de 500°C ; Maxi Continu à 33 000 tr/mn, puissance de 600 ch, T4 de 420°C. Le débit carburant limite la puissance mécanique à 675 ch et le moteur pèse 350 kg avec son hélice. Une commande de présérie de 50 exemplaires est passée début 1959.

Essais en vol

 

En parallèle des essais au banc moteur, des essais en vol sont prévus pour évaluer le comportement en vraie grandeur du moteur, de son hélice et de sa régulation. Il ne faut pas oublier que le Bastan est le premier turbopropulseur français qui doit être construit en série et que tout est à découvrir sur ce nouveau type de moteur. Le premier banc volant est évidemment le Languedoc de la CGTM, celui qui a fait les premiers essais avec les Artouste III TP. En mars 1958 commence l’installation du Bastan n°1 et le premier vol du Languedoc avec ce nouveau moteur est effectué le 19 avril 1958. En 1959, la CGTM développe une installation d’essais de givrage consistant en un bâti placé sur le dos du fuselage devant le moteur en essai. Ce bâti porte des rampes de pulvérisation d’eau. Ce dispositif permet de simuler l’action du givrage sur l’ensemble nacelle, moteur et hélice. En dehors de la rampe, le système comporte, à bord de l’avion, un générateur d’air Palouste et un générateur électrique Panhard. Le premier vol de l’avion avec cette installation a lieu en décembre 1959. C’est Antonin Labour, ingénieur navigant CGTM, qui est en charge de ses essais. Cette activité expérimentale en vol, complétée des travaux du CEPr et de l’ONERA, permettra de développer en France une expertise reconnue mondialement dans le domaine du givrage.

Par la suite, le Languedoc sera remplacé par un Lockheed Constellation.

 

Ces essais sur porteur se termineront en 1964.

En parallèle du Languedoc, un autre banc volant est lancé par transformation d’un Beechcraft D-18, célèbre petit bimoteur américain. En 1957, Beechcraft avait regardé l’installation du Bastan et de l’Astazou sur cet avion. Quand le STAé décida de faire transformer une telle machine en banc volant Bastan par la SFERMA, filiale de Sud Aviation installée à Bordeaux-Mérignac, les deux idées se rencontrèrent. Entre septembre et décembre 1957, un avant-projet d’installation est fait par Beechcraft et discuté avec SFERMA. Un contrat est signé entre les deux sociétés en novembre et les études détaillées démarrent à Bordeaux le 1er janvier 1958. Les Bastan I sont installés en août et le premier vol est effectué le 19 septembre 1958 par l’équipage Jacques Lecarme, Henri Alligier et André Hugon. Convoyé au CEV le 3 décembre pour ses essais officiels, l’appareil, baptisé Beech-SFERMA PD-18.9, est remis à la CGTM à la fin du mois pour les essais de développement du Bastan et de son hélice Ratier-Figeac. Au moment de la première certification du Bastan, le 9 janvier 1959, le Bastan a accumulé près de 450 heures de vol sur ses deux bancs volants. Un deuxième Beech-SFERMA PD-18 sera réalisé pour le CEV. Il fit son premier vol le 18 novembre 1959. Mais les transformations de Beechcraft D-18 s’arrêtèrent là, car les Bastan étaient bien trop puissants pour cette cellule et surtout, consommaient trop par rapport aux moteurs à pistons d’origine.

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